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  • Photo du rédacteurLa Cinéphile

La Damnée [CRITIQUE]

Dernière mise à jour : 6 août

Après trois courts métrages, dont Canines sélectionné à Gérardmer en 2021, Abel Danan signe son premier long avec La Damnée. Redoutablement efficace et surprenant, ce film est une excellente surprise et a été un vrai coup de cœur lors de l'édition 2024 du Festival de Gérardmer.





Yara, une jeune marocaine de 25 ans venue étudier à Paris, n'a pas quitté son domicile depuis plusieurs mois, car elle est agoraphobe depuis son enfance en raison de terribles événements familiaux. Son seul contact est avec sa grand-mère, Najiyah, par téléphone. Un soir, une mystérieuse apparition vient perturber son quotidien, et l'oblige à revivre ses pires craintes, la poussant au bord de la folie...






En termes de premier film, il faut bien avouer qu'Abel Danan frappe fort avec La Damnée. Il parvient à créer une oeuvre à la fois horrifique et sensible qui est tout simplement remarquable et ce pour plusieurs raisons.


Il y a tout d'abord une maitrise dans la réalisation, avec des plans jouant sur des contrastes de lumières forts, des mouvements de caméra enivrants, que ce soit avec ce fameux panoramique illustrant les jours qui passent ou ce plan en plongée totale sur l'héroïne en train de danser.


Cette maitrise se retrouve également dans la manière de créer une ambiance particulièrement oppressante qui est très bien rendue avec cette histoire se déroulant presque exclusivement en huis clos. L'héroïne, Yara, se retrouve dans un appartement qui semble de plus en plus petit au fur et à mesure que le film avance, comme si un étau se resserrait autour d'elle, comme si une menace s'apprêtait à sortir de l'ombre. Sur ce point, la mise en scène illustre parfaitement la notion d'enfermement.


Qui plus est, pour ce qui est des passages purement horrifiques, il y a une utilisation judicieuse de procédés classiques tels que le jumpscare, utilisé avec parcimonie et, de ce fait, il fonctionne plutôt bien, notamment lors d'une scène où on ne le voit pas vraiment venir. Par ailleurs, plusieurs plans à l'esthétique soignée semblent être des tableaux de visions cauchemardesques et ils restent en tête quelques temps après avoir vu le film.


Mais La Damnée n'est pas qu'un pur film d'horreur. Il y a également une certaine tension dramatique qui vient principalement du personnage de Yara qui est hantée par une partie de son passé. L'actrice Lina El Arabi propose d'ailleurs une performance remarquable, d'autant plus qu'elle a peu d'interactions avec d'autres personnages et que ceux-ci ont la plupart du temps droit à un espace réduit dans le cadre, se résumant même parfois à une simple voix au téléphone.

Lina El Arabi dans La Damnée
Lina El Arabi dans La Damnée © Star Invest Films France

Bien sûr, l'autre personnage principal du film, c'est cette apparition qui a l'apparence d'une figure bien connue du cinéma d'horreur, à savoir la sorcière. Cependant, elle est ici issue du folklore marocain, dont la représentation est bien différente de celle des cultures européennes. Exit l'image de vieille femme au nez crochu, ici c'est une sorcière plus jeune avec un accoutrement oriental que nous présente Abel Danan. Cela permet de découvrir tout un pan culturel méconnu de manière objective, au sens où le réalisateur ne cherche pas à en faire un être uniquement monstrueux dans une dynamique manichéenne. Il y a quelque chose de plus nuancé qui permet à l'intrigue de gagner en profondeur.


Ainsi, le spectateur est face à une histoire bien construite où il y a juste ce qu'il faut en rebondissements et en révélations. Certains éléments sont un peu attendus mais, dans l'ensemble, il est difficile de prévoir ce qui va arriver. Il y a un véritable jeu avec les attentes du spectateur qui est très bien mené du début à la fin, avec des questions autour de la croyance et de savoir si ce qui se passe est réel ou non. Yara a-t-elle tout simplement basculé dans la folie à force de rester enfermée ou y a-t-il vraiment quelque chose ? Ce sont ces interrogations qui nous tiennent en haleine et qui vont permettre à l'histoire de prendre des tournants inattendus.


Le final est d'ailleurs bouleversant, d'autant plus qu'il est accompagné d'un thème musical à la fois triste et porteur d'espoir qui tranche avec les précédents thèmes. En effet, il faut aussi souligner l'excellent travail du compositeur Benjamin Grossmann sur la bande originale car il a contribué à créer ce rythme dynamique qui fait la force du film. La musique est omniprésente, les rares moments où il n'y en a pas, ce sont dans les secondes qui précèdent un jumpscare, et Grossmann a su trouver un équilibre entre des thèmes proprement horrifiques dans un premier temps et des thèmes plus vibrants et touchants sur la fin.


Avec La Damnée, Abel Danan signe un premier long-métrage qui augure du bon pour la suite et c'est un réalisateur à suivre qui va certainement marquer le cinéma fantastique et d'horreur français dans les années à venir.


Critique réalisée suite à la projection du film au 31ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer.

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